mardi 3 mars 2009

Dubé et son rouge

J'aime l'auteur Marcel Dubé depuis ma jeunesse. Je suis né en 1961, j'ai effectué et terminé mes études secondaires à la fin des années 70. Et Dubé, comme Gabrielle Roy, Michel Tremblay, Louis Hémon, Ringuet, etc... étaient des auteurs de chez-nous, que nous devions lire absolument et obligatoirement en cours de français.

Zone De Dubé, justement est la première pièce de théâtre que j'aie lue. Avant de la voir, en théâtre étudiant quelques années plus tard.

Le lendemain, de cette lecture que je fis en moins d'une heure, contrairement à mes collègues de classe, je me retrouverai, discutant avec la bibliothécaire de ma "polyvalente ", sur les autres opus de Dubé que je mourrais de lire. Je dois vous avouer avoir trouvé, à ce moment-là, ces lectures un peu ardues.
En pédagogue averti , notre enseignant, était arrivé, un jour avec une vieille boîte de carton pleine à rebord de bouquins. Sur le coup, nous fûmes peu enthousiastes persuadés que nous passerions la période de cours "dans les pays d'en haut" à devoir s'épancher devant le sort d'une Maria Chapdelaine ou d'une Angelina Desmarais, qui n'avaient rien à voir avec les filles ou les femmes que nous connaissions, flanqués de curés, d'eau bénite, de bûcherons, de mouches noires et de canadiens errants. Encore là, bien loin de notre banlieue animée avec ses blocs appartements, ses "mobylettes", ses "tabagies" et Le Steinberg au coin du boulevard...

Eh bien non..Ni Grignon, ni Hémon, ni Guévremont, ni Savard, ni l'abbé Ringuet ne sévissaient dans cet enclos de "cartron", mais du Dubé. Dubé. Enfin un nom plus normal. Plus comme ceux de nos voisins.. de nos familles du coin. Enfin..Il devait sûrement être plus intéressant celui-là, me disais-je . Surtout qu'en première de couverture, on y voyait un jeune homme en blouson de cuir noir avec sa blonde qui ressemblait un à " nos blondes "- mi-soumise, mi rebelle.
je ne savais pas , par contre, que cette photographie datait de plus de 25 ans. Quand même..

Au moins, cela me donnait une piste sur l'âge des protagonistes. Parlant du mot protagoniste, c'est cette année-là, par le biais de cet enseignant, qu'il est entré dans mon vocabulaire à tout jamais.

Je dévorai Zone comme un boulimique.Je rêvai de la jouer immédiatement.

Et de rencontrer l'auteur afin de le remercier d'avoir si bien dépeint les jeunes comme jamais je ne l'avait vu dans la littérature ou le théâtre auparavant.

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C'est ce qui arriva presque trente ans plus tard.
J'étais dans un restaurant avec mon ancien conjoint et un ami commun.
C'est en me rendant au "petit coin " que je l'aperçus au fond du commerce, le regard comme plongé dans ses souvenirs et un verre de rouge à la main. Je l'abordai.
Cette table, selon les dires de la propriétaire était la sienne depuis des années, il y venait régulièrement , plus souvent en solitaire.

Notre conversation ne dura que quelques minutes, puisque l'on m'attendait..
Mais cet homme simple, tourmenté, un peu aigri, avec une mémoire phénoménale, me troubla et enchanta mon coeur.
Il m'accorda toute son attention, et me parla comme on parle à un proche.
En retournant dans la salle à manger, je concoctai dans mon esprit de la possibilité de revenir à cet endroit dans l'espoir de revoir Dubé et son rouge et de poursuivre l'écoute de l'histoire de notre théâtre entre deux gorgées et un éblouissement.

Ce moment fut unique.
Et l'écriture de ce papier, me donne envie de respecter cette promesse que je m'étais faite à moi-même
.

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