samedi 9 mai 2009

UN RÊVE APPELÉ ARVIDA

Une ville planifiée à la rangée d'arbres près, pensée, voulue. Aucune perspective, la plus petite galerie, le moindre décrochement de façade ou le plus obscur virage ne devaient être laissés au hasard.

Arvida, ville nouvelle fondée en 1925 mais fusionnée aujourd'hui à Jonquière, devait incarner la grandeur et la magnificence de l'Aluminium Company of America (ALCOA). Lucie K. Morisset, chercheure au Centre d'études interdisciplinaires sur les lettres, les arts et les traditions des francophones en Amérique du Nord (CÉLAT), a étudié de près le plan de l'architecte new-yorkais Harry Beardslee Brainerd, qui créait de toutes pièces cette ville nouvelle incarnant à ses yeux l'alliance de la beauté et des principes modernes de circulation et d'hygiène, et surtout sa réalisation.

Symbole à la fois du pouvoir de l'industrie et des connaissance des Beaux-Arts, le centre-ville d'Arvida apparaissait monumental, sur le papier, afin de mettre en valeur les institutions de la cité et leur perspective d'approche. Le plan de l'architecte devait devenir -aussi -un véhicule de promotion pour la compagnie.


Alcoa, dont les tentacules s'étendaient jusqu'en Europe et au Japon, avait une vision véritablement «mégalomane» de la ville en devenir. Ses dirigeants rêvaient d'une métropole industrielle, dont le coeur battrait autour d'une usine géante, une aluminerie intégrée avec extraction de la bauxite sur place et reliée au reste du monde par un port avec un mouillage en eau profonde.

Les débuts d'Arvida furent conformes à ce goût affiché pour la démesure: 270 maisons construites en 135 jours, grâce à la pré-fabrication des éléments de structure. Selon les prévisions, 50 000 personnes habiteraient bientôt dans la ville nouvelle. Soucieux du bien-être de leurs employés, les patrons de la multinationale américaine projetaient d'ailleurs de loger leurs ouvriers dans des maisons individuelles, entourées d'un terrain, selon les normes qui seraient en vigueur en Amérique du Nord plus de vingt ans plus tard.



Avec la naissance des banlieues, les rues s'élargissent tandis que les trottoirs disparaissent. «Arvida incarne véritablement la première ville nouvelle démocratique puisque le logement des ouvriers se confond avec celui des employés», note l'historienne en architecture.
Lucie K. Morisset précise que la ville voulait présenter un paysage uniforme. Les distinctions entre classes sociales s'opéraient donc non sur l'aspect extérieur de la demeure, mais son confort intérieur. Deux maisons de dimensions à peu près semblables pouvaient donc comporter une division des pièces différente, plus conforme au rang social de ses occupants, ou disposer d'un système de chauffage plus ou moins performant.

Près de 20 000 habitants habitent aujourd'hui ce quartier intégré à Jonquière depuis 1975.
P.S : J'ai habité cet Arvida au début de ma vie, dans les années 60. J'y demeure très attaché. Une de ce quatre, peut-être cet été, je rêve d'y faire une saucette nostalgique, accompagné de mon cliclic photographique.

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