samedi 27 juin 2009

Les biopics selon Sophie



Alors comme ça, Martin Scorsese (Taxi Driver, Raging Bull) va raconter au cinéma la vie du crooner Frank Sinatra? Vous savez ce que j'en pense? Zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz.
Franchement, vous n'êtes pas tannés, vous, des biographies filmées? Sérieusement, y a-t-il encore quelqu'un dont vous rêvez de voir la vie racontée sur grand écran?



Toutes ces biographies filmées se suivent et se ressemblent. Elles sont au cinéma ce que la peinture à numéro est aux chefs-d'œuvre des grands maîtres, ce que le pâté chinois est à la haute cuisine: une recette facile à suivre dont les ingrédients sont toujours les mêmes.



Ça ressemble à peu près à ceci: 1. Héros commence dans la misère/ombre/échecs. 2. Héros rencontre sur sa route des ennemis qui le ridiculisent/l'humilient/lui prédisent la défaite. 3. À force de persévérance et de détermination (montage accéléré) Héros connaît le succès/la richesse/la belle vie. 4. Héros confronte ceux qui l'ont ridiculisé/humilié/prédit la défaite.
Les biopics ressemblent de plus en plus aux musicographies diffusées en boucle à la télé. Il ne manque que la voix du narrateur pour nous annoncer: «Après la pause, Héros tombe dans l'enfer de la drogue...»



Rien qu'au cours des dernières années, on a eu droit à Joaquin Phoenix dans la peau de Johnny Cash (Walk the Line), Jamie Foxx qui faisait revivre Ray Charles (Ray), Josh Brolin jouant le président Bush (W).
Depuis que Marion Cotillard s'est rasé les sourcils et a remporté un Oscar pour son interprétation d'Édith Piaf, les Français se sont emballés pour le genre et ont porté au grand écran la vie de l'humoriste Coluche, de l'auteur-compositeur-interprète Gainsbourg, de l'ennemi public numéro un Mesrine, et de l'auteure Françoise Sagan. Il n'y a pas eu un mais bien DEUX films sur Coco Chanel.
Et ils viennent de porter à l'écran la vie de... Sœur Sourire! (Si on les laissait faire, je pense même que nos cousins demanderaient à Johnny Hallyday de jouer Johnny Hallyday dans le biopic de Johnny Hallyday).



Au Québec, on a eu droit à Maurice Richard et Dédé Fortin: à travers les brumes. Et on va bien finir un jour par voir le tant promis Gerry Boulet.
Avouez-le: les deux seuls véritables moments d'excitation qu'on ressent à voir un nouveau biopic, c'est A- Quand on découvre qui va jouer le rôle principal et B- Quand on peut noter sur une échelle de un à dix le degré de ressemblance avec le modèle original. Une fois qu'on s'est extasié sur la transformation physique et la qualité du maquillage, la vraisemblance des prothèses ou des perruques, une fois qu'on a lâché une couple de «Ah il parle donc pareil!/Oh il chante donc pareil!», on n'a plus grand-chose à se mettre sous la dent.



L'ennui avec les biopics, c'est que les réalisateurs doivent toujours marcher sur des œufs. Chaque fois qu'on raconte la vie de quelqu'un il se trouve des témoins de l'époque pour se plaindre (pensez Lavigueur, pensez René Lévesque, pensez Dédé Fortin). Quand Jennifer Lopez a interprété la chanteuse Selena au cinéma, ça a soulevé un tollé: une Portoricaine incarnait une Mexicano-américaine! Et même quand il n'y a pas de témoins de l'époque, ça fout le bordel: un groupe d'avocats grecs a déjà menacé de poursuivre les producteurs de Alexander parce que le film laissait entendre qu'Alexandre le Grand était bisexuel! Si on ne peut même plus raconter en paix la vie d'un conquérant né 356 ans avant Jésus Christ...



Mais vous voulez vraiment la preuve que la mode des biopics est rendue trop loin? Je viens d'apprendre que la CBC a commencé la semaine dernière le tournage de Keep Your Head Up Kid: The Don Cherry Story.
Oui, vous avez bien lu. Vos impôts vont servir à produire un film fait pour la télé, racontant la vie du coloré et raciste commentateur de sports de Hockey Night in Canada. L'argent public va financer un document à la gloire de cet homme qui n'a eu de cesse de critiquer le style de jeu des hockeyeurs québécois et européens.
Mais au moins, on est sûr que la version filmée de la vie de ce grand Canadian aux costumes à carreaux ne sera pas contestée par le principal intéressé ou par un membre de sa famille: le scénario est écrit par Tim Cherry, le fils de Don Cherry, qui sera aussi le producteur exécutif du film.
C'est ce qui s'appelle laver son linge sale en famille.




Texte de Sophie Durocher ( les Têtes hommagées paru dans Ici )

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