samedi 25 juillet 2009

C'est eux qui m'ont tué


C'est eux qui m'ont tué

Sont tombés sur mon dos avec leurs armes, m'ont tué

Sont tombés sur mon cœur avec leur haine, m'ont tué

Sont tombés sur mes nerfs avec leurs cris, m'ont tué


C'est eux en avalanche m'ont écrasé

Cassé en éclats comme du bois


Rompu mes nerfs comme un câble de fils de fer

Qui se rompt net et tous les fils en bouquet fou

Jaillissent et se recourbent, pointes à vif


Ont émietté ma défense comme une croûte sèche

Ont égrené mon cœur comme de la mie

Ont tout éparpillé cela dans la nuit


Ils ont tout piétiné sans en avoir l'air,

Sans le savoir, le vouloir, sans le pouvoir,

Sans y penser, sans y prendre garde


Par leur seul terrible mystère étranger

Parce qu'ils ne sont pas à moi venus m'embrasser

Ah ! Dans quel désert faut-il qu'on s'en aille

Pour mourir de soi-même tranquillement.Hector de Saint-Denys Garneau, Poésies, Fides, 1971.


Ce poème est «un texte accusateur représentatif de la révolte avortée du poète face à la non-reconnaissance de son altérité. [...] Poème emblématique des bases communautaires de son mal, «C'est eux qui m'ont tué» fait le lien entre le malheur, l'oppression sociale et la misère psychologique. Un «je» émietté, réduit à un isolement irrésistible, qui hésite entre colère et démission, dénonce la conduite irresponsable de ses proches. Pour une fois, le sujet se décentre, se désolidarise des siens, les pointe du doigt... (F. Charron, La part incertaine, Poésie et expérience intérieure chez de Saint-Denys Garneau, Montréal, Les herbes rouges, 2005, p. 258)

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