mardi 8 décembre 2009

Notre monde a besoin de plus d'éthique animale


Sur le blogue Granos urbaines, cette semaine, le texte sur la campagne des Lundis sans viande a provoqué une avalanche de commentaires. Parmi ceux-ci, plusieurs questions concernant l'«éthique animale», un sujet qui est aussi abordé dans le nouveau livre de Jonathan Safran Foer, Eating Animals. Cela tombait bien puisque je rencontrais lundi Carl Saucier-Bouffard, responsable du volet éthique des futurs Lundis sans viande.
Titulaire d'une maîtrise en philosophie (M. Phil.) de l'Université d'Oxford, en Angleterre, où il est également chercheur associé, Carl Saucier-Bouffard enseigne l'éthique environnementale au collège Dawson.

Alors, qu'est-ce que l'éthique animale? «L'éthique animale est un sous-domaine de la philosophie appliquée, explique-t-il. Elle s'intéresse au type de relations que l'être humain devrait entretenir avec d'autres animaux. Cette expression, «d'autres animaux», est essentielle. Qu'on le veuille ou non, il y a énormément de similarités, d'un point de vue biologique, entre un cochon, une vache et un être humain.»
Holà! On entend déjà les détracteurs de Darwin hurler. Pour les autres, poursuivons. «Une fois qu'on accepte cette définition, il va sans dire que l'on doit accorder plus d'intérêt aux besoins des animaux. Ils ont des droits, comme celui d'être nourris, celui de vivre avec leur famille, celui de ne pas souffrir. Or les fermes industrielles, d'où provient 99% de notre viande, bafouent constamment ces intérêts-là.»
Carl Saucier-Bouffard est né il y a 28 ans à Montréal-Est (où il habite toujours), dans une famille de carnivores et de chasseurs. «Il y avait beaucoup de viande et très peu de légumes dans nos assiettes.» C'est à la lecture de La libération animale, du philosophe australien Peter Singer, pendant ses études à l'Université McGill, que le déclic s'est fait. «Par cohérence je suis devenu végétarien. Puis, végétalien. Je suis parti de loin et ça n'a pas été facile, mais maintenant, c'est parfaitement intégré.»

Lorsqu'on le traite d'«illuminé», le chercheur rappelle qu'on traitait aussi d'illuminés les premiers abolitionnistes. «À l'époque, ils n'étaient tout simplement pas conscients de leurs préjugés racistes. C'était la même chose pour la libération de la femme. Aujourd'hui, on ne réalise pas nos préjugés spécistes (NDLR: le spécisme est à l'espèce ce que le racisme et le sexisme sont à la race et au sexe).
«Je crois que les gens aiment spontanément les animaux. Certaines personnes pensent encore que les animaux ne souffrent pas. C'est évidemment faux. Les gens n'ont qu'à penser à leurs animaux domestiques. Le chien à qui on donne un coup de pied va avoir mal, non? C'est la même chose pour une poule ou un cochon. Il faut s'arrêter et penser à ce qu'on choisit de mettre dans son assiette, trois fois par jour.»
Mais l'homme n'est-il pas omnivore de nature? «L'homme a la possibilité biologique de manger de la viande, c'est vrai, mais il a aussi la possibilité de voler, de tuer, etc. On pense que c'est immoral de violer, de torturer. Pourquoi est-ce que ça ne s'applique pas aux animaux? Au Canada, 650 millions d'animaux sont abattus chaque année. On a la possibilité d'éviter la misère, la souffrance animale. Pourquoi ne le fait-on pas? On ne parle pas de leur donner le droit de vote, seulement le droit à la vie! Il y a une expression qui me fait vraiment vibrer et qui résume bien ma position, c'est «l'expansion de la communauté morale».»
Carl Saucier-Bouffard ne limite pas son champ d'action à l'éthique animale. Il fait ce qu'il peut pour intéresser sa petite municipalité de 3500 âmes à des projets verts. Il travaille par exemple à l'implantation d'un programme de compostage à Montréal-Est. Sur le plan personnel, il a toujours refusé de posséder une voiture et habite dans un petit appartement où il pratique le vermicompostage.

LES GRANOLERIES DE CARL
Un restaurant: Aux Vivres, 4631, boulevard Saint-Laurent, pour le brunch ou le Bol du dragon.
-Un site web: vivagranola.com, une boutique en ligne végétalienne.
-Une boutique: L'Arterie, au 176, avenue Bernard Ouest, pour les chaussures végétaliennes.
-Un organisme: les Amis de la terre de Québec, qui vient de déposer à l'Assemblée nationale un mémoire sur les changements climatiques (atquebec.org)
Ève Dumas
La Presse

Aucun commentaire: