mercredi 10 février 2010

Steak, blé d'Inde, patates!

À table! au Château Ramezay


À table! présente l'évolution de la culture culinaire... (Photo: Musée du Château Ramezay)

À table! présente l'évolution de la culture culinaire du Québec.

Photo: Musée du Château Ramezay

Daniel Lemay
La Presse

Si, en entendant les mots «pâté chinois», vous pensez tout de suite «steak, blé d'Inde, patates», vous êtes soit un habitué du téléroman La Petite Vie - Thérèse répétait l'ordre des ingrédients comme un mantra - soit un connaisseur de la cuisine «canadienne» dont le pâté chinois, des sondages l'ont montré, est le fleuron le plus glorieux.

Mais il y a plus à savoir sur la chose et on l'apprend à l'exposition À table! que présente depuis novembre le Musée du Château Ramezay, dans le Vieux-Montréal. En une vingtaine de tableaux - et des centaines d'artéfacts répartis dans quatre salles -, À table! présente l'évolution de la culture culinaire du Québec, de la table, surprenante, des premiers colons français aux apports des cuisines ethniques du Québec moderne.

Et le pâté chinois, en deux mots et trois étages, raconte presque à lui seul toute notre histoire culinaire: le maïs autochtone, nommé «blé d'Inde» par les Européens qui croyaient être arrivés dans ce pays mythique par une nouvelle route; le boeuf, viande de prédilection de la table française; et la pomme de terre, ce tubercule au rendement spectaculaire que le gouverneur britannique Murray réussit à faire accepter peu après la Conquête.

Un siècle avant, de grands cuisiniers français avaient présidé à la renaissance de la cuisine de leur pays - et du nôtre: François Pierre de La Varenne, François Massialot, Menon avaient rejeté le safran, le gingembre et la cardamome de la cuisine médiévale pour les remplacer par les fines herbes de la table moderne. Voyez ici une copie du Cuisinier françois (1651) de La Varenne, l'inventeur de la sauce béchamel, un des premiers livres de cuisine français (si vous en trouvez un pas cher chez votre bouquiniste, achetez-le!). Ici, il y a 300 ans, les colons avaient déjà mis de côté le maïs et la citrouille, parmi les premiers «emprunts» aux Amérindiens, pour manger selon les canons de la mère-patrie: pain, soupe, boeuf.

Il faut dire que dans la Laurentie, on abattait les bovins jeunes, en raison du manque de fourrage. Lord Dorchester voudra y pallier, apprend-on au Château Ramezay, en fondant la première société agricole en 1789. Dont les bienfaits se firent vite sentir: des troupeaux de plus en plus importants de vaches laitières commencent à paître tranquillement de chaque bord du grand fleuve. À la même époque, Charles-René Langlois, l'ancien cuisinier du lieutenant-gouverneur Clark, ouvre le premier restaurant de Québec.

Au Château de Ramezay, l'ancienne résidence de Claude de Ramezay, 11e gouverneur de Montréal (1704-1724), entre la tinette et la cafetière égoïste, tant le simple amateur de bouffe que le professionnel du «département de la bouche» verront comment sont arrivés sur nos tables le sucre et le thé, le vin et le porc, d'abord élevé pour le lard. Mais «Qui mange du porc mange sa mort»... Et comment, aussi, nos ancêtres catholiques «faisaient maigre».

En sortant, achetez-vous un exemplaire de À table en Nouvelle-France, le livre d'Yvon Desloges, écrit avec la collaboration de Michel P. de Courval, qui a servi de base à l'exposition (Éditions du Septentrion, 2009, 29,95 $). «Alimentation populaire, gastronomie et traditions alimentaires dans la vallée laurentienne avant l'avènement des restaurants». Pour savoir d'où vient «c'qu'on mange à souère».

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À table! Exposition présentée au Musée du Château Ramezay, 280 rue Notre-Dame Est, jusqu'au 6 septembre 2010.

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