vendredi 14 mai 2010

«Je voulais être dans le jour.»



«Je voulais être dans le jour.» Alain Lefèvre rappelle cette bouleversante réponse d'André Mathieu (1929-1968) faite à un journaliste, qui lui demandait pourquoi il avait intitulé l'une de ses oeuvres Dans la nuit. André Mathieu, enfant prodige, joyau du génie québécois, mais aussi destin tragique. «J'aime André Mathieu, tout m'émeut là dedans. L'injustice m'émeut», dit Alain Lefèvre.

La partition date de 1943 et se trouve donc à être le fruit d'un compositeur de 12 ou 13 ans. À cette époque, Mathieu avait déjà connu la consécration à New York et Paris: «Lorsqu'il gagne le concours de composition de l'Orchestre philharmonique de New York (où Leonard Bernstein finit 22e), Rachmaninov se lève en disant: "Vous êtes le seul pouvant avoir la prétention d'être mon successeur". André Mathieu a 11 ans. C'est phénoménal.»

André Mathieu a écrit sans doute sept concertos, il nous en reste deux. La «Symphonie romantique», sous-titre longtemps donné au concerto, serait une autre oeuvre, selon Alain Lefèvre, qui a même reçu mystérieusement la partition d'un huitième concerto, une rhapsodie romantique. «Sur les différents autographes, il est indiqué "Concerto de Québec, André Mathieu 1943" et à un autre endroit "Concerto n° 3". Il y a donc deux autres concertos écrits avant l'âge de 12 ans, plus le Concertino avec lequel il a remporté le concours de composition du Philharmonique de New York !»

Alain Lefèvre se défend de tomber dans le folklore, mais il est d'évidence bouleversé par cette destinée: «En 2003, où l'on fait revivre de plus en plus de choses plus on moins pertinentes, ce serait un luxe extraordinaire que de se permettre d'oublier André Mathieu, ce chaînon romantique. Le romantisme québécois a existé. Émile Nelligan l'incarne d'ailleurs en poésie.»

Avec un destin pareillement tragique...

Christophe Huss

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