Image de ma mère en sa jeunesse sur la rue où je me la coule la vie actuellement..
Un voyageur peut toujours revenir sur ses pas. Mais sur l'axe du temps, il n'y a pas de retour en arrière. Ce qui est perdu l'est à tout jamais: "Le voyageur revient à son point de départ, mais il a vieilli entre-temps ! [...] l'irrémédiable, ce n'est pas que l'exilé ait quitté la terre natale: l'irrémédiable, c'est que l'exilé ait quitté cette terre natale il y a vingt ans. L'exilé voudrait retrouver non seulement le lieu natal, mais le jeune homme qu'il était lui-même autrefois quand il l'habitait. [...]
L'exilé courait à la recherche de lui-même, à la poursuite de sa propre image et de sa propre jeunesse, et il ne se retrouve pas. Et l'exilé courait aussi à la recherche de sa patrie, et maintenant qu'elle est retrouvée il ne la reconnaît plus. Ulysse, Pénélope, Ithaque : chaque être, à chaque instant, devient par altération un autre que lui-même, et un autre que cet autre. Infinie est l'altérité de tout être, universel le flux insaisissable de la temporalité. C'est cette ouverture temporelle dans la clôture spatiale qui passionne et pathétise l'inquiétude nostalgique.
Car le retour, de par sa durée même, a toujours quelque chose d'inachevé : si le Revenir renverse l'aller, le « dédevenir », lui, est une manière de devenir; ou mieux: le retour neutralise l'aller dans l'espace, et le prolonge dans le temps ; et quant au circuit fermé, il prend rang à la suite des expériences antérieures dans une futurition' ouverte qui jamais ne s'interrompt: Ulysse, comme le Fils prodigue', revient à la maison transformé par les aventures, mûri par les épreuves et enrichi par l'expérience d'un long voyage. [...]
Mais à un autre point de vue le voyageur revient appauvri, ayant laissé sur son chemin ce que nulle force au monde ne peut lui rendre : la jeunesse, les années perdues, les printemps perdus, les rencontres sans lendemain et toutes les premières-dernières fois perdues dont notre route est semée.
Vladimir Jankélévitch, L'Irréversible et la Nostalgie, Éd. Flammarion, 1983, p. 300.1. Jankélévitch suppose qu'Ulysse, de retour à Ithaque, sa patrie, est déçu, car il ne retrouve pas l'Ithaque de sa jeunesse.
Je vis ce vrai. Je le médite dans les faits. Je retombe sur mes pieds et deviens plus réaliste. Sans pour autant tomber dans l'amer et ruminer la déception. Souvent partir nous fait perdre la raison. On part parfois avec ses blessures et ses soifs. Et parfois tout est si grand, si insondable qu'il peut s'avérer impossible de se satisfaire réellement.
Ceci étant..On relativise et on prend le réel pour ce qu'il est , pour ce qu'il donne et reçoit.
Arvida n'est pas un regret pour moi à ce moment mais un autre ancrage..mais pas le seul même si c'est là que je coule mes jours dans le présent.. Il n'est pas un tout mais une partie seulement. Et quelle partie. Et c'est pas fini.. Pour l'instant, du moins.
Par Jankélévitch - Publié dans : Philosophie terminales