mercredi 30 septembre 2009

Bousille et les pas si justes que cela 1



LE FAUX TÉMOIGNAGE
Bousille et les Justes date de 1959. L'auteur y présente une satire virulente de la famille, prête à tout pour blanchir son honneur. Henri est violent et vulgaire, sa sœur Aurore est hypocrite et vindicative, la mère est aveuglée par l'amour filiale et les bondieuseries, Phil le beau-frère est trop lâche pour affronter Henri et Bousille est un simple d'esprit. Drôle de famille! Le passage retenu a lieu juste avant le procès. Rappelons les faits : Aimé Grenon, par jalousie, a tué dans une bataille un rival amoureux. Deux personnes ont été témoins du drame. La fiancée, qui ne semble pas vouloir ménager son ex-ami lors du procès, et Bousille, l'homme à tout faire de la famille Grenon. Les Grenon exigent de Bousille un faux témoignage. Celui-ci, par scrupule religieux, résiste. Comme les promesses et les menaces ne portent pas fruit, Henri, le chef du clan, utilise l'artillerie lourde : il force Bousille à faire un faux serment et, plus encore, il le fait boire, lui qui vient de se sortir péniblement d'un début d'alcoolisme. Dans le dernier acte, Bousille se suicidera.
(Pour en savoir plus sur cet auteur, suivez ce lien.)
Bousille, qui se préparait à avaler une pilule, s'arrête, abasourdi. En silence, Henri s'avance vers lui et donne une claque sur la fiole, dont le contenu s'éparpille dans la pièce. Puis, d'un coup violent sur l'épaule, il envoie Bousille choir sur le porte-bagages. Bousille n'a eu et n'aura jusqu'à la fin de la scène aucun geste défensif.
PHIL, la colique au ventre : Non, Henri, non! je te le dis : ça ne vaut pas le coup!
HENRI, à Phil, lui indiquant le missel : Ta gueule, toi! et donne-moi ça.
PHIL, le lui remet, incapable de résister : J'ai toujours cédé devant toi. Je suis trop lâche, tu le sais. Mais là, je te le répète : s'il te reste le moindrement de cœur...
HENRI, I'écarte d'un coup : J'ai dit : ta gueule! (Froid comme l'acier devant Bousille.) Tu vas jurer de témoigner comme je te l'ai indiqué.
BOUSILLE, le regarde, épouvanté : Tu ne comprends pas.
HENRI, lui tendant le missel : Tu vas jurer là-dessus.
BOUSILLE : Non...
HENRI : Entends-tu? (II le gifle.)
BOUSILLE : Tu ferais mon malheur.
HENRI : Jure!
BOUSILLE : Tu ferais mon malheur, je ne peux pas le dire...
HENRI : Bon Dieu! (De tout son poids, il a appuyé son genou sur la jambe étendue de Bousille, dont la phrase inachevée se termine en un gémissement; il défaille, la tête appuyée sur l'estomac d'Henri.)
HENRI, à Phil : Passe-moi ce verre-là. (Il indique un verre encore à demi rempli d'alcool.)
PHIL, jaune de peur, apporte le verre : Fais attention Henri, tu sais qu'il a le cœur faible.
HENRI : Fous-moi la paix! (À Bousille, qui revient de défaillance et geint faiblement.) Reprends tes sens! Tes simagrées, je les connais.
BOUSILLE, murmure, encore à demi inconscient : Tu comprends pas...
HENRI, lui approchant le verre des lèvres : Bois.
BOUSILLE : ...Je ne peux pas le dire assez.
HENRI : Vas-y, gobe! (Il lui verse dans la bouche une gorgée d'alcool, que Bousille rejette à moitié, dès qu'il en reconnaît le goût. Reprenant le missel) Jure! (Comme Bousille refuse de la tête.) Veux-tu que je répète la dose?
BOUSILLE : Non!
PHIL, terrifié lui aussi : Cède, Bousille : c'est mieux pour toi.
BOUSILLE, complètement perdu : Je ne sais plus...
HENRI : Je sais, moi. (Plaçant la main de Bousille au-dessus du missel.) Tu jures de faire ce que je t'ai dit? (Non satisfait du vague signe d'acquiescement de Bousille.) Dis oui, ma tête de pioche!
PHIL : Dis oui, Bousille, vite!
HENRI, le genou sur celui de Bousille : ...ou je te le casse en deux!
PHIL : Il va le faire, Bousille!
BOUSILLE, dans un souffle : Oui.
PHIL, crie : Lâche-le, Henri! Lâche-le, il a juré!
(Gratien GÉLINAS, Bousille et les justes, éditions de l'Homme, 1959, p. 95-97)

J'ai connu cette pièce a l'adolescence.
Des amis et collègues de mon école polyvalente.
C'était ma première pièce de théâtre à vie.
Et le choc fut ÉNAURRRME !
Après la représentation, c'est bien simple, je voulais être acteur, auteur, metteur en scène, concepteur de décor, etc..
Je voulais surtout être Gratien Gélinas, tellement j'étais impressionné par son histoire et sa construction, ses personnages, etc..
Tellement aussi, que l'année suivante, je me donnai le rôle de Tit-coq, sa première vrai pièce...
Un an plus tard, je me rendis au Palais Montcalm de Québec, pour y revoir Bousille, cette fois-la avec des comédiennes et des somédiens professionnels. Une autre première. il y avait sur scèene Jean-Pierre Masson, Robert Rivard, Juliette Huot - qui reprenait le rôle de la mère qu'elle avait créé. - , Pierre Dufresne, etc..

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