jeudi 19 novembre 2009

Le millepatte sur un nénufar

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la nouvelle orthographe

Je suis enragé noir. Je viens juste de lire des articles en ligne sur la nouvelle Orthographe. Je la croyais juste soi-disante, en développement. Mais son essor est plus grand que je ne le croyais. Je vous partage ces informations. Je me remts des mes émotions. Je décante tout cela, et je vous en reparle.


ertaines rectifications ont été apportées à l’orthographe française. Les appliquez-vous lorsque vous rédigez des documents scolaires ou lorsque vous écrivez un simple courriel ? Les nouvelles graphies sont en vigueur et cohabitent maintenant avec les anciennes. L’Office québécois de la langue française (OQLF) a confirmé, dans un communiqué publié le 3 mai 2004, qu’il « estime qu’en cette période de transition, ni les graphies traditionnelles ni les nouvelles graphies proposées ne doivent être considérées comme fautives[2] ». Il n’y a donc pas d’erreur à utiliser l’une ou l’autre des formes, mais la version moderne, plus cohérente avec le système orthographique – c’est le but des rectifications –, tend à être privilégiée. On peut lire également dans le communiqué de l’OQLF que, « dans ses travaux et publications, l’Office donnera désormais la priorité aux nouvelles graphies dans la mesure où elles sont attestées dans les dictionnaires usuels ». Les logiciels, dictionnaires, grammaires se mettent d’ailleurs de plus en plus à jour en la matière.

Outils électroniques

En 2003, les logiciels de correction Antidote Prisme (produit au Québec par Druide informatique inc.) et ProLexis (Europe) ont intégré toutes les nouvelles graphies dans leurs dictionnaires. La correction d’un texte se fait dorénavant selon les choix suivants : corriger en nouvelle orthographe, corriger en orthographe traditionnelle, ou accepter les deux orthographes.

Le géant Microsoft a annoncé cet été qu’il intègrerait lui aussi la nouvelle orthographe dans ses produits. Concrètement, des correctifs seront proposés gratuitement en ligne, ou alors les rectifications seront intégrées à l’occasion de nouvelles éditions, selon les produits (Office, Word, Outlook, Encarta, Works, etc.).

Le communiqué de l’OQLF mentionne pour sa part que « dans Le grand dictionnaire terminologique (GDT), l’Office applique déjà les graphies nouvelles dans le cas des néologismes et des emprunts ».

Dans l’enseignement

La nouvelle orthographe est enseignée depuis plusieurs années dans les cours de grammaire du français écrit du Département de linguistique et de didactique des langues de l’UQAM. Dans les cours de grammaire destinés aux étudiants en éducation, les documents distribués en classe sont rédigés en nouvelle orthographe, l’équipe d’enseignants ayant pris la décision d’être de son temps et d’utiliser une écriture moderne plutôt que traditionaliste.

À l’Université de Montréal, les enseignants des cours de français écrit s’adressant aux futurs maitres ont pour consigne d’enseigner la nouvelle orthographe chaque fois qu’un thème abordé dans un cours est touché par les rectifications orthographiques.

Les tests du SEL (Service d’évaluation linguistique) que doivent passer bon nombre de futurs enseignants au Québec ont été modifiés en 2003 pour prendre en considération la nouvelle orthographe.

Pour sa part, le ministère de l’Éducation (MEQ) tient compte des rectifications orthographiques dans la correction des examens de fin d’année :

  • en 5e secondaire, dans le cas de l’épreuve unique d’écriture, les élèves ayant droit à des dictionnaires et grammaires faisant état des rectifications de l’orthographe ;
  • au collégial, dans le cas de l’Épreuve uniforme de français

Deux-mille mots rectifiés

Les rectifications touchent un peu plus de deux-mille mots. Vous trouverez cette liste complète et l’explication des nouvelles règles dans la brochure de 40 pages intitulée Vadémécum de l’orthographe recommandée (surtitre Le millepatte sur un nénufar), distribuée par le Groupe québécois pour la modernisation de la norme du français (GQMNF)


Résumé des principales règles
Source : Romain Muller, site officiel www.orthographe-recommandee.info/orth.htm

Les numéraux composés sont systématiquement reliés par des traits d’union.
Ex. : vingt-et-un, deux-cents, trois-millième (3000e)

Dans les noms composés du type pèse-lettre (verbe + nom) ou sans-abri (préposition + nom), le second élément prend la marque du pluriel lorsque le mot est au pluriel.
Ex. : un compte-goutte, des compte-gouttes ; un après-midi, des après-midis

On emploie l’accent grave (plutôt que l’accent aigu) dans un certain nombre de mots (pour régulariser leur orthographe) et au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent sur le modèle de céder.
Ex. : évènement, crèmerie, je cèderai, ils suggèreraient

L’accent circonflexe disparait sur i et u. On le maintient néanmoins dans les terminaisons verbales du passé simple, du subjonctif, et dans quelques cas d’ambigüité.
Ex. : cout ; entrainer, nous entrainons ; paraitre, il parait

Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent comme peler ou acheter. Les dérivés en -ment suivent les verbes correspondants. Font exception à cette règle appeler, jeter et leurs composés (y compris interpeler).
Ex. : j’amoncèle, amoncèlement, tu époussèteras

Les mots empruntés forment leur pluriel de la même manière que les mots français et sont accentués conformément aux règles qui s’appliquent aux mots français.
Ex. : des matchs, des miss, révolver

La soudure s’impose dans un certain nombre de mots, en particulier dans les mots composés de contr(e)- et entr(e)-, dans les onomatopées et dans les mots d’origine étrangère, et dans les mots composés avec des éléments « savants ».
Ex. : contrappel, entretemps, tictac, weekend, agroalimentaire, portemonnaie

Les mots anciennement en -olle et les verbes anciennement en -otter s’écrivent avec une consonne simple. Les dérivés du verbe ont aussi une consonne simple. Font exception à cette règle colle, folle, molle et les mots de la même famille qu’un nom en -otte (comme botter, de botte).
Ex. : corole ; frisoter, frisotis

Le tréma est déplacé sur la lettre u prononcée dans les suites -güe- et -güi- et est ajouté dans quelques mots.
Ex. : aigüe, ambigüe ; ambigüité ; argüer

Certaines anomalies sont supprimées et quelques familles sont réaccordées.
Ex. : assoir, bonhommie (comme bonhomme), imbécilité (comme imbécile), persiffler (comme siffler)

Des exemples

Les rectifications harmonisent le système orthographique français, et elles ont aussi l’avantage de favoriser une cohérence plus grande d’un dictionnaire à un autre : c’était parfois le désordre, particulièrement pour les mots composés.

On trouvait un cure-dent mais un cure-ongles. En nouvelle orthographe, on a un cure-dent, un cure-ongle ; des cure-dents, des cure-ongles. La formation du singulier et du pluriel est donc régularisée. Pour les mots empruntés, l’alternance singulier/pluriel est francisée : un ravioli, des raviolis.

En orthographe traditionnelle, on écrivait de la même façon 1000/125, 1100/25 et 1125es : mille cent vingt-cinquièmes. En orthographe nouvelle, l’ancienne règle étrange du trait d’union est remplacée par une règle systématique : chaque nombre est une unité lexicale cimentée par des traits d’union, ce qui permet de distinguer mille cent-vingt-cinquièmes (1000/125), mille-cent vingt-cinquièmes (1100/25) et mille-cent-vingt-cinquièmes (1125es).

La paire incohérente souffler, boursoufler fait place à la paire harmonisée souffler, boursouffler. L’ensemble disparate règlement, réglementation, règle, réglera forme dorénavant une série cohérente : règlement, règlementation, règle, règlera. On avait une contremarche, mais du contre-plaqué. On a maintenant du contreplaqué.

On écrivait cime et abîme, chapitre et épître, éperdument et assidûment. Si on fait abstraction de quelques cas d’homographie, force est de constater que les accents circonflexes sur i et u sont devenus désuets et inutiles : ils n’ont plus leur raison d’être de nos jours.

Avantages pédagogiques

Les rectifications orthographiques étendent la portée de plusieurs règles générales connues. Par conséquent, le nombre d’exceptions qui nuisaient à l’apprentissage de la règle par l’élève est réduit, et les heures qui devaient être consacrées à leur enseignement peuvent maintenant être utilisées à d’autres fins plus constructives.

C’est le cas notamment de la régularisation du pluriel des noms composés, dont il fallait jadis mémoriser les incohérences. C’est aussi le cas de la généralisation de la conjugaison avec accent grave pour les verbes en -eler et -eter. Autrefois, il fallait retenir la longue liste des verbes qui redoublent la consonne l ou t devant e muet, et la liste de ceux qui prennent un accent grave dans le même contexte. Comble de malheur, les tableaux de conjugaison se contredisaient parfois d’un ouvrage à un autre. Aujourd’hui, la liste des exceptions est réduite à deux seuls cas, les verbes fréquents appeler, jeter (et leur famille), dont les formes conjuguées étaient déjà bien établies et que les experts ont choisi de ne pas modifier. Pour tous les autres verbes, plus de doutes, plus de recherches : on les aligne sur le modèle de acheter et geler. Ainsi, cacheter, harceler ou ruisseler font je cachète, tu harcèles, il ruissèle. Cette règle générale, qui requiert la présence d’un accent grave devant une syllabe contenant un e muet, assure une cohérence dans la conjugaison des verbes en -eler et -eter, cohérence qu’on retrouve également dans d’autres modèles de verbes, comme céder ou lever, qui font aussi je cède, je lève. On la retrouve même dans des noms comme avènement, crème, et maintenant aussi dans évènement, crèmerie.

CHANTAL CONTANT

professeure en grammaire du français à l’UQAM

1 commentaire:

Patricia a dit…

Lire Foglia sur le sujet: http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/pierre-foglia/201001/01/01-935559-la-culture-en-2009.php et aussi le 'rectificatif' qu'il fait au bas de la chronique suivante: http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/pierre-foglia/201001/06/01-936766-lalzheimer.php

J'aime le côté sarcastique de Foglia! :oD