vendredi 4 décembre 2009

Et t'aimer sans


ET T’AIMER SANS

à Linda Bonin, lu à l’occasion de nos fiançailles en 1990

t’aimer sans

sans te butter

sans te nier

sans te ranger

sans plafonner

sans trop me regarder

sans te fixer

sans t’amarrer

sans qu’il me soit possible de te retenir

t’aimer

sans déraison

sans dérision

sans soupçon

sans la firme des garçons charmeurs

sans glace

sans les remarques qui glaçent

t’aimer

sans me souvenir

t’aimer sans soupirer

devant tes déserts

t’aimer même dans le désert

boire ensemble

tous les oasis qui viendront se pendre

à nos rêves

t’aimer

en te laissant

en te regardant

en te prenant sans te recréer

t’aimer telle, t’aimer flambante

t’aimer

hantante

t’aimer remuante

t’aimer mutante, virevoltante

t’aimer rebelle, t’aimer dentelle

t’aimer sans qu’il me soit possible

de t’évincer

de t’engager

t’aimer en nous

t’aimer sans qu’il nous soit possible de nous perdre

de nous ternir, de nous habituer

de nous substituer

de nous soustraire

t’aimer pour que je sois possible

et toi, et nous

pour que vivre nous soit plus docile

t’aimer

sans l’aigre du déni

sans l’âcre d’une salive qui se garde pour soi

t’aimer sans orchestre sans arabesque

ni fresque de trompette et de tromperies

t’aimer avec le blé

avec le pain du blé

avec l’été, l’eau et les nuits d’été

t’aimer et respirer

et partager

tous ces airs communiés

t’aimer sans te falsifier

pour te fructifier

et te multiplier

dans toutes les contrées de tes absences

t’aimer absente

t’aimer sans demain

sans hier

t’aimer à te perdre

à me pendre sur tes mystères sans les percer

t’aimer en ton monde

t’aimer inféconde

t’aimer immobile

t’aimer pour que vivre soit plus facile

une jeu

une fable de feu

t’aimer et te le dire

sans qu’il nous soit possible de l’entendre

et sans enterrer les conjugaisons

des corps

dans le lit versatile

t’aimer

et laisser faire tout ce qu’il nous reste

1, 10, 14 et 15 août 90 / 30 nov. 94 / 23 mai 95 / 11 mars 07

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