ET T’AIMER SANS
à Linda Bonin, lu à l’occasion de nos fiançailles en 1990
t’aimer sans
sans te butter
sans te nier
sans te ranger
sans plafonner
sans trop me regarder
sans te fixer
sans t’amarrer
sans qu’il me soit possible de te retenir
t’aimer
sans déraison
sans dérision
sans soupçon
sans la firme des garçons charmeurs
sans glace
sans les remarques qui glaçent
t’aimer
sans me souvenir
t’aimer sans soupirer
devant tes déserts
t’aimer même dans le désert
boire ensemble
tous les oasis qui viendront se pendre
à nos rêves
t’aimer
en te laissant
en te regardant
en te prenant sans te recréer
t’aimer telle, t’aimer flambante
t’aimer
hantante
t’aimer remuante
t’aimer mutante, virevoltante
t’aimer rebelle, t’aimer dentelle
t’aimer sans qu’il me soit possible
de t’évincer
de t’engager
t’aimer en nous
t’aimer sans qu’il nous soit possible de nous perdre
de nous ternir, de nous habituer
de nous substituer
de nous soustraire
t’aimer pour que je sois possible
et toi, et nous
pour que vivre nous soit plus docile
t’aimer
sans l’aigre du déni
sans l’âcre d’une salive qui se garde pour soi
t’aimer sans orchestre sans arabesque
ni fresque de trompette et de tromperies
t’aimer avec le blé
avec le pain du blé
avec l’été, l’eau et les nuits d’été
t’aimer et respirer
et partager
tous ces airs communiés
t’aimer sans te falsifier
pour te fructifier
et te multiplier
dans toutes les contrées de tes absences
t’aimer absente
t’aimer sans demain
sans hier
t’aimer à te perdre
à me pendre sur tes mystères sans les percer
t’aimer en ton monde
t’aimer inféconde
t’aimer immobile
t’aimer pour que vivre soit plus facile
une jeu
une fable de feu
t’aimer et te le dire
sans qu’il nous soit possible de l’entendre
et sans enterrer les conjugaisons
des corps
dans le lit versatile
t’aimer
et laisser faire tout ce qu’il nous reste
1, 10, 14 et 15 août 90 / 30 nov. 94 / 23 mai 95 / 11 mars 07
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