vendredi 19 février 2010

Le Théâtre National

Le National

Le Théâtre National a été fondé dès l'année 1900. Sa vocation était au départ de présenter des pièces de théâtre sérieuses. C'était d'ailleurs le premier théâtre professionnel francophone à Montréal. La salle ayant pignon sur rue au coin de Beaudry et Sainte-Catherine a été bâtie par les efforts herculéens de Julien Daoust, un homme de culture ambitieux. Il fut d'ailleurs déclaré créateur du théâtre permanent dans la métropole par Ernest Pallascio-Morin, lui même écrivain et journaliste à La Presse. Ce visionnaire est encore aujourd'hui sous-apprécié pour son oeuvre, surtout parce que son projet grandiose de ralliement des meilleurs éléments du théâtre français d'ici a été rapidement détruit par une réalité financière difficile. La coquette salle, comprenant un long plancher et une galerie s'arrêtant à sa moitié, avait tout juste ouvert ses portes au public que Daoust dû renoncer à son rêve. Incapable de trouver le capital nécessaire pour rembourser son investissement de départ, il passa les rênes à Georges Gauvreau, un homme d'affaires du coin. Daoust se consacra alors à l'écriture et au jeu dans des pièces qui furent parmi les plus populaires des créations canadiennes-françaises de l'époque, avec celles de Gratien Gélinas. Malgré cela, l'échec de l'établissement d'une institution théâtrale francophone à Montréal le hanta toute sa vie.

Plaque commémorative soulignant l'oeuvre de Julien DaoustPlaque commémorative soulignant l'oeuvre de Julien Daoust

Toujours est-il que M. Gauvreau, voyant le théâtre américain fonctionner comme jamais dans toutes les salles de la ville, s'affaira à trouver un directeur artistique qui l'aiderait à renflouer les coffres de l'institution naissante. Il tomba alors sur une émule de Julien Daoust, plus conciliant au niveau du contenu canadien-français. Le comédien français Paul Cazeneuve, fraîchement sorti comme Daoust des troupes les plus en vue de Broadway, s'occupa du redressement de la situation. Celui-ci entrepris de québéciser de grands succès américains, eux-mêmes recyclés à partir de populaires histoires françaises! C'est ainsi que Cazeneuve bâtit le succès du National avec des adaptations d'adaptations de Victor Hugo ou d'Alexandre Dumas père. Il continue ensuite avec de grandes fresque théâtrales reprenant des figures connues de l'histoire du Québec, par exemple Papineau, Montcalm ou Jos Montferrand. C'était le Charles Binamé de l'époque!

Le comédien Paul CazeneuveLe comédien Paul Cazeneuve

Anecdote intéressante, un autre pionnier du divertissement canadien-français fit ses débuts au Théâtre National. C'est là que Léo-Ernest Ouimet débuta dans l'éclairage et les effets spéciaux de spectacles. Il se mit alors à démontrer des trésors d'ingéniosité dans les éclairages et à utiliser un projecteur de son invention pour diffuser des “vues animées” pendant les entractes. Passionné par cet art nouveau, il fit construire tout près le premier cinéma régulier de la ville, le Ouimetoscope. C'était en 1906. L'établissement fermera ses portes en 1922 pour cause de difficultés financières. Ouimet continua à produire des films qui sont aujourd'hui pour la plupart disparus.

Le OuimetoscopeLe Ouimetoscope

C'est d'ailleurs dans le Ouimetoscope post-cinémascope, en 1923, que la nouvelle troupe d'Arthur Petrie, ancien collaborateur d'Olivier Guimond père, s'installa pour quelques temps. Guimond, ou Tizoune comme il était connu sur scène, préféra pour sa part investir le National avec sa troupe de danseurs. Le burlesque avait le vent dans les voiles et la direction du National était ravie d'accueillir Guimond, après le succès des spectacles cabaret de deux autres artistes bien en vue à l'époque, Pizzy-Wizzy et Macaroni. Les années passèrent, la popularité des troupes de Guimond et Pizzy-Wizzy allait en grandissant. C'est alors que la compagnie Consolidated Amusement procède au rachat du National en 1930. Harold Vance, un grand promoteur, décide de faire du National la résidence des meilleurs acteurs burlesque de la ville. Ti-Zoune, Pic Pic, Effie Mac, Arthur Petrie, sa femme Juliette et bien d'autres. La qualité des spectacles présentés fut incroyable, mais malheureusement, les tensions internes eurent raison du groupe qui se sépara après une vingtaine de semaines.

C'est alors que les soubresauts de la grande crise économique des années trente se font sentir. Vance décide alors de revendre le National à la compagnie France Film. Désireux de trouver quelqu'un de solide pour diriger les troupes, ils engagent une jeune femme en probation pour dix semaines. Elle restera dix-sept ans à la barre du National. Rose Ouelette, dit La Poune, fera ensuite de la salle du Centre-Sud le véritable épicentre du mouvement burlesque montréalais. C'est en fait encore reconnu aujourd'hui comme étant un lieu névralgique du développement de la culture humoristique québécoise.

Rose Ouelette dit La PouneRose Ouelette dit La Poune

La Poune s'affaira alors à réunir une seconde fois toute l'équipe de rêve de Harold Vance. Elle eut alors la chance de les retrouver pour la plupart chômeurs. Seules les têtes d'affiches roulaient encore leur bosse un peu partout, donnant bien souvent trop de représentations en étant mal payés et désiraient fortement se trouver du travail stable au plus vite. Ce fut le début de l'âge d'or du National et du théâtre burlesque québécois. Ce fut aussi l'époque des grandes tournées québécoises de Jean Grimaldi et de la diffusion du burlesque montréalais à travers le Québec. Olivier Guimond fils fit d'ailleurs ses premières armes à l'Impérial de Trois-Rivières et de Québec avant que Grimaldi l'accroche pour s'embarquer dans une tournée avec La Bolduc. D'abord affecté à faire rire pendant les entractes, ce fut bien rapidement lui qui devint la tête d'affiche. C'est ainsi qu'en partant du modèle de troupes de grande envergure proposé par les directeurs du National, le théâtre des variétés devint un véritable mouvement culturel au Québec et même au delà, dans toute la francophonie canadienne où les troupes ont pu avoir la chance de s'arrêter.

Images du National et du Théâtre des Nouveautés, l'actuel La TulipeImages du National et du Théâtre des Nouveautés, l'actuel La Tulipe

Le théâtre National commença malheureusement à battre de l'aile financièrement lorsque la télévision s'infiltra un peu partout dans les maisons vers le début des années 50. C'était aussi la grande époque des cabarets, et le talent se dilua un peu partout dans les petits clubs. Jean Grimaldi tenta bien de le récupérer, mais en vain. Il fallut attendre jusqu'en 1967 pour voir le burlesque revenir sur scène lorsque Gilles Latulippe prit possession du vieux théâtre Dominion, l'actuel La Tulipe, pour en faire le Théâtre des Variétés. Mais c'est une autre histoire...

L'intérieur du National aujourd'huiL'intérieur du National aujourd'hui

La National finit par suivre la tendance de l'époque en devenant salle de cinéma. Des années 60 aux années 80, la salle devint cinéma traditionnel, cinéma chinois, puis cinéma gai avec l'implantation du village gai dans les alentours. On tenta même d'y établir le Conservatoire d'Art Dramatique et un théâtre gai, sans véritable succès. La longue descente vers la désuétude de cette importante institution québécoise a connu une fin abrupte en 2006 alors que la Compagnie Larivée Cabot Champagne a acheté la mythique salle. Les producteurs des Cowboys Fringants, de Dumas, de Charlebois et de Jorane s'affairent depuis à redorer le blason de l'endroit. D'autres compagnies comme Greenland, Blue Skies Turn Black et Pop Montréal utilisent la salle de temps à autre.



Source intégrale : Spopmontreal.com/en/node/13.

Merci de tout coeur.

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