samedi 20 mars 2010

Les rois qui ne lâchaient pas la patate !



Les nutritionnistes ont fini par nous faire sentir coupable de manger des frites. Trop gras, trop calorique. Mais tellement bon. Pas les frites blanches artificielles, les vraies grosses frites graisseuses dans un petit sac de papier brun doublé de papier ciré, avec du sel et du vinaigre.

Déculpabilisez-vous en regardant la minisérie documentaire en trois épisodes Les rois de la patate, dès jeudi, 20h, à Historia. Un regard intéressant sur le rapport que les Québécois entretiennent avec les frites depuis les premières roulottes à patates, dans les années 10, et sur leur disparition au profit des casse-croûtes.

On y apprend entre autres qu'à l'époque où les camions à frites sont apparus, la graisse était réservée aux riches, de sorte que peu de familles cuisinaient des frites à la maison. Inutile de vous dire que les enfants couraient dehors quand la roulotte finissait par passer. «La récompense suprême» aux yeux de l'auteur Claude Jasmin, dont le père tenait un restaurant dans la Petite Patrie à Montréal.

Les histoires familiales explorées dans la série sont particulièrement touchantes. Comme celle de Dic Potenza, qui a créé les restaurants Dic Ann's en 1954 avec sa femme Ann Collecchia, dans la région de Montréal. Le couple vivait au-dessus de son premier resto, et Potenza faisait retentir la sonnette pour que sa femme vienne l'aider quand il était débordé.

On rencontre aussi Gemma Guay, ancienne propriétaire de l'ancêtre du Pat Rétro, qu'elle a tenu sans permis durant 25 ans à Sillery, et qui n'a jamais aimé les frites. Quand on a le nez dedans sept jours par semaine, normal qu'on aime moins ça. Certains résistent, comme Paul Lefebvre, qui a toujours son commerce de frites après 52 ans de métier, à Saint-Ferréol-les-Neiges. Le poêle, lui, tient bon depuis 1943!

Réalisée par Bernard Lafrenière, Les rois de la patate n'est pas une série de vieux. Il faut voir MC Gilles entrer au Chien-chaud Victoire au centre-ville de Montréal, un endroit qui semble figé dans le temps. «Ça sent notre jeunesse!» s'exclame-t-il. Marina Orsini ne jure que par le Green Spot à Verdun. Fred Pellerin, lui, reste fidèle au casse-croûte Chez L'Thur à Saint-Élie. Historia organise un concours pour élire la meilleure patate au Québec. On peut proposer un nom sur le site de la chaîne, historiatv.com.

Trois des intervenants de l'émission sont décédés depuis le tournage : l'anthropologue Bernard Arcand, le cinéaste Pierre Falardeau et l'homme d'affaires Marcel Béliveau, tous intéressants dans la série. Proprio des Ashton, Ashton Leblond apporte son témoignage, tout comme le chef du Toqué! à Montréal, Normand Laprise, qui ne lève pas le nez sur la poutine.

Les portions les plus intéressantes déterrent les vestiges du fast food au Québec, comme les services à l'auto des casse-croûtes, où les gars voulaient impressionner leurs blondes en mangeant dans leur voiture. Les images d'archives sur l'apparition des centres commerciaux, et surtout les propos qui les accompagnent, sont savoureux. Bien entendu, l'arrivée massive des McDonald's et A&W, et la réglementation des villes allaient signer la mort de la plupart des stands à patates frites. Ima­gi­nez : à certains endroits, on a obligé les propriétaires de voitures à patates à mettre une toilette à la disposition des clients. Aussi bien dire qu'on les obligeait à entreposer définitivement leur véhicule.

Les municipalités permettront-elles à nouveau la vente de frites dans les rues, malgré l'opposition des commerces? Un débat auquel ne touche pas, hélas, Les rois de la patate.


Le Soleil par Richard Therrien.

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