samedi 17 avril 2010

La vie j'veux dire...le rire,la terre,la crème-glacée et les femmes !

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Je suis entré dans une mare de femmes et de d'hommes.
Il y en avait partout dans l'église.
De même qu'en dehors.
La majorité assis. Le reste debout.
Debout comme l'homme que vous venions saluer une dernière fois.
L'émotion était palpable.
De partout.
Les gens, le deuil et la peine dans les traits;le respect dans leur stoïcité, leur silence, m'offrirent leur communauté.
Mais pas leur espace.
Il n'y en avait pas un iota.
J'ai pu m'en peaufiner un, en gravissant une petite échelle menant au dessus d'un confessionnal.
Et c'est de ce perchoir que j'ai suivi la cérémonie.
Ne voyant pas grand chose mais entendant tout.
De toute manière, j'étais enfoui dans mon âme.
Et avec Michel, surtout.

Je l'entendais gueuler, sacrer, s'insurger.
Je l'entendais maudire le capitalisme apatride et décapitant.
Je l'entendais pomper les travailleuses et travailleurs dans une assemblée.
Je le voyais marcher avec sa fratrie sociale autour des usines en lock-out.
Je le voyais entre les murs de sa prison se sentir inutile et loin des luttes.
Je le voyais pleurer en silence en ressentant son impuissance à aider tout un chacun.
Je l'entendais rire comme un canon.
Je le voyais embrasser Simonne.
Et lire ses poèmes préférés.

Il était à mes côtés tout du long.

Le témoignage de sa petite-fille fut Le Morceau des funérailles.
Elle évoqua le grand-papa, surtout. L'humain derrière les images.
Sa main douce sur la peau aimé de sa progéniture.
Sa gourmandise pour la crème glacée Coaticcok, et les cigares parfumés.
Son bonheur pour les grandes tablées.
Et sa rigueur pour la place spécifique des ustensiles sur la nappe.
Par souci de vérité elle a cité Michel qui un jour parla poumons avec les dirigeants d'une meunerie et je cite de mémoire : "Vous savez les poumons des hommes, c'est pas noir, c'est blanc, même pas blanc; c'est rose," ajoutant : " comme la vulve des femmes !

Juste avant que le corps encercueillé ne quitte l'enceinte, la famille a formé un pain rond humain
autour de Michel, une dernière fois. Mains dans les mains, les uns les autres. Le temps d'un air de Haendel. Jusqu'à ce que toutes ces mains soudées se soulèvent. C'était très émouvant à voir.

Justement, parlant d'émotion;j'ai assisté à une scène pathétique pendant cet au revoir. Scène qui s'est heureusement bien terminé, et je dis cela humblement; grâce à moi.
Un homme dans la quatrevingtaine éclate soudainement en sanglot. Je le regarde. J'ai envie de le consoler,ce ne serait-ce que de le toucher .Une femme est à sa droite. Elle semble SA femme.
Mais elle laisse sangloter sans rien faire, ni dire. Un moment elle se tourne vers lui, et je me dis, je l'ai jugé trop hardiment, elle a du coeur en fait. Mais que non. Elle te l'apostrosphe toi : Arrête-moi cela tout de suite, cela n'a pas d'allure, franchement, et autres inepties et "méchancetés" semblables.
Quelques minutes plus tard, je suis passé devant son banc et je lui ai dis, avec douceur :
"Vous avez le droit de pleurer, Monsieur. Allez-y, si cela vous soulage."
En pleurant, il m'a dit : "Merci, je sais,merci". Pendant que sa grébiche de conjointe était raide en regardant devant elle.

Michel n'est pas seulement dans mes pensées;il est dans mes mots.
J'veux dire. - Il ponctuait ses dires, de cela, constamment, de :"j'veux dire."Funérailles - Adieu  Chartrand

Un cortège d'humain, de limousines funéraires, et du "corbillard" se dirigea jusqu'au cimetière.
Et dans la fosse,sur la tombe, j'ai lancé de la terre, et non une fleur.
C'est plus à l'image de l'homme; la terre.

La terre de la fibre humaine qui le fait vivre et dans lequel son corps passe sa mort.

1 commentaire:

D a dit…

Cher Marc,

À force de te lire, j'ai l'impression de me répéter. Quel beau texte! Pendant que je réfléchissais à ce que je t'écrirais, une volée d'oies, ou d'oiseaux du genre que toi pourrais identifier, passe "crieusement" au-dessus de ma tête, sans que je les voie. Mais je les entends se parler bruyamment dans ce matin silencieux et humide. Elles passent, se dirigent on ne sait jamais vraiment où, mais elles s'y rendent. Comme toi. Elles causent, causent, et ce qu'elles se racontent les mènent à bon port. Je suis certaine que tu es sur le bon chemin. Tu es toi aussi sur la bonne voie. Tu es privilégié d'être francophone car notre langue n'est-elle pas la plus riche pour exprimer nos différents états d'âme? Et toi, tu as le don, tu as un don. Les mots valsent entre tes doigts, font des culbutes vertigineuses dignes du Cirque du Soleil! Et tes mots touchent l'âme. C'est un pouvoir immense que t'a donné la vie...

Avec beaucoup d'affection,

D XXX