Les vieux de la vieille ?? Pas sûr !

Après presque 10 ans d'absence, la déroutante troupe Young at Heart reviendra à Montréal, le 13 juillet à la salle Wilfrid-Pelletier. Ses chanteurs du troisième âge y interpréteront des succès pop pour le volet anglo du prochain festival Juste pour rire, a appris La Presse.

On raconte que sur son lit de mort, le poète William Blake chantait en tapant des mains. Les membres de Young at Heart ne sont peut-être pas mourants, mais leur performance ressemble quand même aussi à un acte de résistance.

Fondée en 1982, la troupe est composée de résidants d'un centre d'aînés de Northampton, au Massachusetts. Pour des raisons évidentes, elle se renouvelle assez souvent.

La plus jeune membre, Claire Couture, aura 74 ans cette année. Le plus vieux, Len Fontaine, 90 ans. Certains ont déjà chanté professionnellement. D'autres sont au mieux des dilettantes.

Leur spectacle se nomme End of the Road. Son concept est simple. Les chanteurs se relaient au micro, parfois accompagnés d'un choeur, pour interpréter un succès pop. Le répertoire inclut des pièces de Nirvana, Lou Reed, James Brown, Coldplay, des Buzzcocks, Bee Gees et, évidemment, Forever Young de Dylan. Un groupe de musiciens professionnels les accompagne dans une mise en scène qui reste assez sobre.

«C'est la définition d'un feel good show, assure Éric Belley, directeur du festival Juste pour rire de Montréal.

Son équipe avait été séduite en 2008 par Young at Heart, un documentaire sur la troupe, primé dans plusieurs festivals de cinéma dont ceux de Sydney et de Warsaw. Belley et des collègues se sont donc rendus au Massachusetts à l'automne 2008 pour voir le spectacle. «C'était rempli, raconte-t-il. Même si on était dans les dernières rangées du balcon, le courant passait quand même. On riait, on était au bord des larmes, on ressentait beaucoup d'émotions contradictoires.»

D'après les extraits que nous avons vus, Young at Heart évite de faire un spectacle mignon, dans le sens infantilisant du terme. Ce n'est pas le pendant aîné des pubs où des bébés chantent gauchement.

Humour

Bien sûr, il y a du comique. Certaines interprétations déconstruisent le mythe de l'éternelle jeunesse associé à la culture pop. Avec eux, Stayin' Alive des Bee Gees prend un tout nouveau sens. I Wanna Be Sedated des Ramones est aussi réinventée par ces gens qui, contrairement aux punkers teigneux, ont médicalement besoin de pilules.

De petites chorégraphies et danses accompagnent parfois ces versions. Young at Heart ne craint pas l'humour noir. Le titre de leur seul disque: Mostly Live, paru en 2007.

Il y a aussi des moments poignants. Dans la dernière tournée, un certain Fred Knittle montait sur scène avec son appareil respiratoire pour interpréter Fix You de Coldplay, une pièce qu'il dédiait à deux confrères décédés quelques jours plus tôt (vidéo à voir sur YouTube). Knittle s'est éteint depuis.

Le spectacle nous met face à face avec la mort et avec notre propre mortalité. Les chanteurs, eux, semblent détourner le regard du sablier pour s'abandonner dans la musique.

En juillet à la Place des Arts, cette musique risque parfois d'être en français. Lors de son dernier passage à Montréal, en 2001 au Festival Trans-Amériques, la troupe avait concocté un medley québécois qui comprenait entre autres du Charlebois. Notre critique Marie-Christine Blais y était. Elle a écrit: «Pour rendre tout à fait compte du spectacle, il faudrait que ce quart de page de journal soit un peu gondolé, un peu humide, un peu effacé, comme s'il avait servi à essuyer les larmes d'étrange émotion qui coulaient sur les joues de mes voisins-spectateurs comme sur les miennes.»

Paul Journet
La Presse

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