samedi 10 avril 2010

Que vous ont-ils donc faits pour que vous vous acharniez tant sur eux ?


Anne Chaon
Agence France-Presse
Doha

Au coeur de tous les trafics, ceux qui le visent et les autres, le gorille du bassin du Congo voit son habitat se réduire au point qu'il aura disparu de régions entières d'ici 10 à 15 ans.

Dans un rapport intitulé «La dernière bataille du gorille», présenté mercredi en marge de la conférence de la CITES, à Doha, des experts de l'ONU en ont appelé à Interpol et à la Mission de paix de l'ONU en République démocratique du Congo (RDC), la Monuc.

La conférence de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages, qui conclut ses travaux jeudi, s'est particulièrement inquiétée de la recrudescence du braconnage et du trafic d'espèces, soulignant l'implication désormais avérée du crime organisé.

Mais si les gorilles sont recherchés pour leur viande et les trophées, ils sont surtout les victimes collatérales des trafiquants transfrontaliers et des milices qui écument l'est de la République démocratique du Congo (RDC), a souligné Christian Nellerman, du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).

L'aire de répartition du gorille s'étend du Nigeria au Cameroun, du Gabon aux deux Congo, Brazzaville et Kinshasa et aux pays des Grands Lacs - Rwanda, Burundi, Ouganda.

«Lors d'une précédente étude en 2002, on estimait qu'à peine un tiers des territoires des gorilles subsisterait en 2030. Mais ça va beaucoup plus vite».

«Au rythme actuel, il n'en restera que 10%», poursuit-il en incriminant «l'extraction illégale des ressources naturelles, les minerais et le bois, surtout dans l'est de la RDC, où certaines sociétés exportent deux à dix fois plus qu'autorisé par leurs concessions officielles».

«Les milices, dans l'est de la RDC, sont les acteurs principaux de cette contrebande dont le produit est vendu à des sociétés basées en Europe, en Asie et en Chine». Un trafic qu'il estime à 700 millions de dollars par an et qui en grignotant son habitat naturel, menace la survie du gorille.

Pour Ian Redmond, consultant du Programme sur la survie des grands singes (GRASP) conduit par le PNUE et l'Unesco, «à l'exception du gorille des montagnes (principalement réparti entre le Rwanda, la RDC et l'Ouganda), toutes les autres espèces sont menacées».

«Le trafic de viande de brousse est une des causes: les gens riches la consomment pour montrer leur puissance». Et comme on lui prête des vertus, elle est aussi utilisée pour soigner les malades, explique-t-il. «Mais ça ne représente qu'1 à 2% du marché».

Les bébés gorilles, qui souffrent d'une très forte mortalité, sont toujours recherchés par les collectionneurs du monde entier. Et l'espèce est une victime collatérale des braconniers de rhinocéros et d'éléphants, en quête de corne et d'ivoire dans toute la région.

Enfin, ces populations si proches de l'homme sont, comme lui, exposées aux épidémies de fièvre hémorragiques de type Ebola et particulièrement vulnérables, «comme tous les singes, chimpanzés, gorilles, bonobos: le taux de mortalité atteint de 85 à 95%», selon M. Redmond.

L'accumulation de ces menaces a conduit le PNUE à réclamer le soutien de la Monuc et d'Interpol «afin de nous aider à enquêter et à poursuivre les sociétés complices de ces crimes», a insisté M. Nellerman.

«En RDC, tous les jours des rangers mettent leur vie en jeu pour défendre les ressources naturelles: ils méritent davantage de soutien», a-t-il souligné, en rappelant que 190 rangers ont été tués par des trafiquants dans le parc des Virunga, à la frontière du Rwanda, ces dernières années.


http://www.cyberpresse.ca/environnement/201003/24/01-4263833-le-gorille-au-coeur-de-tous-les-trafics.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B2_environnement_263_accueil_POS1

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